Journal de la petite lumière 2018 - neuvième jour
Publié par Eric Scheiber - 23 octobre 2018
Catégorie(s): Cinéma, Expositions / Festivals
Le rideau se ferme. Les gens se lèvent de leur fauteuil une dernière fois après un tonnerre d’applaudissements. Le festival touche à sa fin. Chacun va retourner à son quotidien, plus riche culturellement, on l'espère. Mais inutile de faire grise mine. L'événement recommencera l’an prochain et chaque séance fût l’occasion d’une belle découverte. La dernière journée nous promettait de rire avec l’aide de Bogdanovich, Buster Keaton, Billy Wilder et Marilyn Monroe.
Au programme du jour donc, un autre documentaire de Peter Bogdanovich. Il est cette fois question d’une légende : Buster Keaton. Avec The Great Buster : a celebration, Bogdanovich nous raconte la vie tumultueuse du célèbre comique. Le film parcourt la vie de Keaton à partir de divers témoignages recueillis auprès de ses amis et de célébrités que son œuvre a pu influencer. Et que serait un documentaire sur Keaton sans de nombreux extraits de ses films, courts ou longs (il y a même des publicités) dans lesquels il a joué, imaginé les gags et réalisé ? On trouve également dans The Great Buster : a celebration des vidéos et photos prises dans le cadre privé ou lors de divers événements.
Il y a une grande différence entre The great Buster : a celebration et Directed by John Ford, vu plus tôt dans le festival. Dans ce dernier, la cinématographie de Ford est analysée à travers différentes thématiques qui ne relèvent d'aucune organisation particulière. Dans The Great Buster : a celebration, en revanche, tout commence avec la naissance du Slapstick et tout est raconté selon une chronologie qui répond à la trajectoire de Joseph Franck Keaton. Comme si son œuvre ne pouvait être saisie dans toute sa profondeur en dehors du contexte personnel. Logique puisque c'est dans l'intimité du foyer familial qu'il est devenu Buster.
Autre différence notoire avec Directed by John Ford. Dans ce dernier, il est assez peu question des sentiments de Ford. On s’attarde plus sur ses actes. Alors qu’avec The Great Buster : a celebration, de manière sinusoïdale, le film épouse les contours émotionnels liés aux moments de joie et de détresse du comédien. Ces choix narratifs permettent d’identifier les deux personnages comme deux entités différentes. Ford est montré comme un géant du cinéma dont les œuvres sont plus parlantes que sa propre vie. Tout ce qu’il y a besoin de savoir sur Ford se trouve dans ses films. Keaton, par contre, est montré comme un être humain avant tout et c’est cette humanité qui décide de ce que sera son œuvre. Avec toutes les cascades qu’il accomplit et les drames dont il se remet, il passe sans problème pour un surhomme méticuleux et passionné par la comédie. Ici, l’œuvre est mémorable et la vie de son créateur, au travers d’anecdotes de tournages et de contextualisations intimes, sublime la chose.
Direction ensuite l’Institut Lumière pour la toute dernière séance du Festival. Cette fois encore, rendez-vous avec une figure mythique du cinéma : Marilyn Monroe. Projection de la version tout juste restaurée de Certains l’aiment chaud (Some like it hot) de Billy Wilder. Une comédie qui nous raconte les mésaventures de deux artistes déterminés à échapper à la mafia de Chicago en se faisant passer pour des femmes au sein d’un orchestre itinérant entièrement féminin. Au cours de cette aventure, Joe (Tony Curtis), saxophoniste, et Jerry (Jack Lemmon), contrebassiste, vont faire la connaissance de Sugar (Marilyn Monroe), la chanteuse de la troupe. Le film est alors motif à un enchaînement de gags où les héros font tout pour ne pas être découverts.
Tous les éléments du divertissement de l’âge d’or hollywoodien sont présents. Le film démarre sur une fusillade, la menace des mafiosi devient le moteur de la tension dramaturgique, une belle femme dans des robes glamour donne la réplique et plusieurs chansons ponctuent le récit. C’est également l’occasion d'observer une forme d'humour différente du Slapstick pratiqué par Keaton. On est ici dans un comique de situation et Wilder se plaît à détourner les codes dramatiques. Soudain, Marilyn Monroe chante : I Wanna Be Loved By You. Une chanson de Bert Kalmar, Harry Ruby et Herbert Stothart dont l’écriture et la composition furent exposées dans Trois petits mots de Richard Thorpe. Voilà qui relie les éléments de cette époque, confirme l’influence du duo de compositeurs et nous permet de nous délecter encore plus du si célèbre “Poupoupidou”.
C’est ainsi que se clôt cette déambulation petite lumière 2018, en compagnie d’une salle conquise et composée d’un public hétéroclite. Le festival referme à peine ses portes que nous avons hâte, déjà, d’être à l’an prochain.
D’ici là, restons curieux surtout. Et vive le cinéma !
Crédit photographique :
The great Buster : a celebration/Photo by Cohen Media Group - © Cohen Media Group
Some like it hot : ©ParkCircus