Splitscreen-review Image de Cronos de Guillermo Del Toro

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Journal de la Petite Lumière J3

Publié par - 18 octobre 2017

Catégorie(s): Cinéma, Expositions / Festivals

Mardi 17 octobre 2017

Comme évoqué, j'attendais ce jour avec impatience et curiosité. Lorsque j'ai appris que Guillermo Del Toro viendrait pour le festival, j'ai été empli d'une euphorie non dissimulée. C'est un réalisateur que j'apprécie tout particulièrement. Et je crois que c'est le cas pour beaucoup de jeunes de ma génération, en particulier dans les sphères dîtes "Geek", fana de monstres et autres histoires fantastiques. Sans avoir vu tous ses films, pas mal de mes collègues ont grandi avec Blade 2, Hellboy, Le labyrinthe de Pan, et apprécié Pacific Rim ou, plus récemment, la série The Strain. Cela se comprend. Les amateurs de créatures effrayantes et récits extraordinaire, nombreux je suppose parmi les Geeks, ont trouvé en lui l'homme capable de répondre à leurs attentes grâce à son amour du fantastique et de l'épique, le tout dans une esthétique héritée d'H.P. Lovecraft, un auteur qui m'est cher et dont l'influence se retrouve, à différentes échelles, dans presque toute la pop-culture actuelle. C'est donc avec un intérêt enjoué que j'ai appris la diffusion de son premier long métrage : Cronos, jamais sorti en France. Curiosité : voir le chemin parcouru.

Cronos nous parle d'un grand-père mexicain tout ce qu'il y a de plus ordinaire : Jesus Gris. Propriétaire d'une boutique d'antiquités, chaleureux avec sa petite fille, rien ne semble pouvoir perturber son quotidien. Jusqu'à ce que le fantastique s'immisce dans son univers au travers d'un appareil insectoïde et alchimique capable de rendre immortel. La fatalité lui fait goûter bien malgré lui aux effets de ce gadget ésotérique. Une lente transformation va alors s'opérer. Il rajeunit, certes, mais devient alors dépendant de cette chose plantant ses dards métalliques dans son corps et l'éloignant de ses proches. Cronos se présente donc sous les auspices allégoriques de l'addiction à quelque substance licite ou non.

Par ses effets et la présence de symboles christiques dans le film, la machine semble être issue d’une sorcellerie visant à matérialiser dans le présent l'immortalité promise par Dieu. C'est la raison pour laquelle le protagoniste, immortel malgré lui, se retrouve confronté à un autre vieil homme, De La Guardia, qui cherche à tout prix vie éternelle avec pour ambition de copier le Divin. A l'inverse, Jesus Gris, plus proche d’une logique chrétienne au début du film, prendra conscience du Sacré de l'existence lorsqu’il prendra conscience de ce qui résulte de son immortalité : boire du sang humain et vivre la nuit. La scène est très belle : le personnage se pose contre un mur où un tag figure. "Drack" est-il écrit. Jesus s'enveloppe alors d'une longue cape rouge pour devenir un vampire.

Le sujet est d'importance pour Del Toro puisqu'il aura par la suite écrit trois romans et une série sur la question. Mais, variation passionnante, Del Toro impose cette condition vampirique à un innocent. Le malheur et la souffrance du protagoniste entrainent le film vers une autre réflexion : qu’est-ce qu’un monstre ? Là où Jesus Gris résiste à la soif de sang pour sauver sa petite fille, les De La Guardia, bien humains, se laissent gagner par toutes les infamies. La frontière entre humain et monstre est brouillée pour mieux définir ce qu’implique d’être humain.

Or donc, Del Toro a toujours eu les mêmes obsessions. Son style, bien qu'un peu américanisé après son expatriation, ne semble pas bien différent de ce que l'on observe dans Le labyrinthe de pan. Déjà à l'époque, Del Toro assume son goût pour le fantastique et y mêle sa vision "Lovecraftienne". Plus que cela, chacun de ses films m'apparait maintenant sous une autre lumière, celui du mélange et la réappropriation des genres. Cronos affirme des influences gothiques et explore ce qui relève de l’inadéquation entre certains principes prônés par le religieux et la réalité du Monde.

Il poursuivra ce questionnement en mélangeant Guerre d'Espagne et histoires de fantômes (L'échine du Diable) puis la dictature Franquiste avec les légendes Païennes (Le labyrinthe de Pan), avant d'offrir sa vision des Kaiju Eiga avec Pacific Rim. Seule différence notoire avec Cronos : le sentiment de voir un diamant brut. Certes, le style s’est affiné au fil du temps et des expériences mais il ne s’agit que d’une évolution et non d'une transformation. A l'air du tout numérique, avec la prolifération de monstres en CGI, sa préférence pour les décors fait main et les maquillages complexes donnent le sentiment d'un récit plus vivant.

Cette vision de Cronos confirme et explique en partie pourquoi Del Toro touche un public aussi large. Amateur de merveilles inquiétantes, il n'en reste pas moins un homme qui semble connaître son sujet et tente de ne pas laisser la passion dépasser la réflexion cinématographique.

Vivement demain pour une nouvelle aventure cinématographique.

Crédit photographique : copyright D. R.

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