Splitscreen-review Image de Thelma de Joachim Trier

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Thelma

Publié par - 22 novembre 2017

Catégorie(s): Cinéma, Critiques

Ne la délivrez pas du mal

Les interrogations et peurs liées au passage à l’âge adulte d’une jeune femme ont déjà servi de terreau fertile au genre fantastique. Que ce soit de manière violente et cruelle en littérature et cinéma avec Carrie (Stephen King et Brian De Palma), ou de manière plus douce-amer avec le superbe Life Is Strange en jeux vidéo (DONTNOD Entertainment).

Pour son quatrième long-métrage, après une escale internationale sur Back Home, Joachim Trier revient en Norvège et plonge dans les premiers troubles féminins pour sa première incursion dans le fantastique. Changement de genre, mais prolongation de son thème fil rouge sur la quête identitaire ainsi que de son style de mise en scène très présent.

Thelma (superbe Eili Harboe, rappelant Isabelle Huppert que le metteur en scène a précédemment dirigée) quitte le domicile familial strict et religieux pour découvrir une vie d’adolescente en plein Oslo. Les convictions inculquées par ses parents se retrouveront confrontées au monde de la jeunesse norvégienne, et à l’amour de l’attirante Anja (Kaya Wilkins, tout aussi juste). En juxtaposition d’une classique découverte sexuelle et personnelle, Trier donne à son héroïne un don télépathique incontrôlée, qui donne au film une couche de lecture supplémentaire parfaitement assimilée.

Ici, rien n’est prétexte à gratuitement exploiter visuellement ce don, il est cet élément essentiel qui permet la symbolique et la réflexion propre à tout bon film fantastique. Il forme l’ossature du récit et articule toute la réalisation autour de lui. Il permet de porter à l'image ce qui refoule et ce qui libère.

Dès la première scène, l’attendu se retourne contre le spectateur. Un schéma qui se retrouvera tout le long de l’intrigue à la fois dans le script, avec ce refus du manichéen qui donne corps aux personnages et brouille toute anticipation, et dans la mise en scène affirmée. Si Trier s’éloigne complètement du modèle de Carrie, il rejoint en revanche l’école De Palma où chaque plan ose et raconte une histoire en soi.

Plongée extrême, très long zoom, lumière épileptique sur plusieurs minutes, utilisation poussée du flou et de la profondeur de champ, le norvégien, à l’instar de l’américain, utilise sa caméra comme un personnage à part entière. Une manière de faire qui déplait à ses détracteurs (dont votre serviteur ne fait pas partie), mais qui impose le respect, qu'on le veuille ou non, quant à la réflexion tapie derrière chaque cadre.

Par un long plan aérien qui introduit et clôture le film, Trier nous raconte que ce personnage de Thelma, présent dans presque tous les plans du film, est bien exemplaire des jeunes femmes faisant face à cette période de leur vie. Ce n’est pas une œuvre sur un personnage atypique mais une parabole universelle. Une parabole positive (mais bien loin d’être naïve) sur le pouvoir d’accomplir absolument tout ce que l’on veut, de changer le destin et son univers.

Crédit photographique : Copyright Koch Films

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