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The Handmaid’s Tale

Publié par - 25 octobre 2017

Catégorie(s): Séries TV / V.O.D.

Si la science-fiction est pour certains synonyme de rêve, The Handmaid’s Tale est, elle, la représentation même d’un futur dystopique cauchemardesque. Une représentation horrifique de la société américaine, connue sous le nom de République de Gilead, dans laquelle les femmes sont privées de leurs droits civiques, humains (droit de vote, droit au travail, de lire et d’expression libre etc…) et même pour certaines de leurs noms. The Handmaid’s Tale est adaptée du roman éponyme de Margaret Atwood paru pour la première fois en 1985. Le livre s’inscrit dans un contexte contemporain à cette époque, soit post 1985. Cette volonté de sensibiliser le public aux possibles dérives politiques et sociales dans un futur proche se retrouve dans la série qui se déroule post 2016. Cette série fait également écho, inévitablement, à la présidence de Donald Trump et à des mesures en projet comme une loi anti-avortement au Texas.

Pour The Handmaid’s Tale, Le showrunner Bruce Miller s’est entouré d’une équipe très féminine - 4 réalisatrices pour 1 réalisateur et 7 scénaristes femmes pour 2 scénaristes hommes - et d’un casting essentiellement féminin. Mais cela n’est pas une série réalisée par des femmes et pour des femmes ! Le ton universel des thèmes - l’extrémisme, la violence, le désir, etc… - s’adresse à tout un chacun, comme une menace potentielle commune. Gilead est un régime dans lequel personne, ni homme, ni femme, ne peut réellement exprimer ses sentiments. Pour connaître donc la personnalité qui se cache sous la coiffe de la servante Offred, personnage majeur de la série, il a été nécessaire d’employer un dialogue interne (usage de la voix off) qui décrypte son quotidien. On comprend ainsi notamment qu’elle développe un certain sens de la dérision face à la situation qu’elle traverse. Elle reconnaît également la perversité et l’absurdité du monde dans lequel elle est prise au piège où, toute tentative de fuite, se conclura par une pendaison contre un mur à titre d’exemple. Adoptant le point de vue d’Offred - la servante - et de June - la femme, le passé-, la voix-off se voit ici justifiée en nous autorisant immersion introspective dans la psyché du personnage.  Le roman d’Atwood est d’ailleurs pensé comme une voix-off.

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‘’A chair, a table, a lamp. There’s a window with white curtains. The glass is shatterproof but it isn’t a runaway they are afraid of. A Handmaid wouldn’t get far.” Episode 1, Pilot

C’est par ces mots qu’Offred, interprétée par une Elisabeth Moss poignante, explique la situation des servantes de Gilead. Dans un monde où la pollution est telle que la majorité des femmes sont stériles, celles qui sont encore dans la possibilité d’enfanter sont enlevées puis instruites au nom d’un régime (et non d’une religion) sur fond d’ancien Testament. Chacune des servantes est ensuite placée dans la famille d’un Commandeur. Elle doit alors, une fois par mois, s’adonner à la ‘’Cérémonie’’, un rituel de viol. Allongée sur un lit, la tête sur les genoux de la femme du Commandeur, ce dernier lui fait face et cherche à jouir en elle sans qu’aucune expression ne salisse sont visage.

La mise en scène de The Handmaid’s Tale glace le sang, chaque personnage se désincarnant en laissant son regard se perdre dans le vide.  Sur une tonalité voyeuriste revendiquée et assumée, nous intégrons l’intimité d’une famille type de cette société : un couple haut placé dont la femme est stérile, ses domestiques, son chauffeur et bien évidemment sa ‘’Servante à violer’’. Cette proximité quasi malsaine et déstabilisante du spectateur face aux personnages est exacerbée par des gros plans sur leurs visages. La profondeur de champ, elle, est souvent très courte, créant ainsi une forme de distanciation entre les protagonistes.

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Le parallèle entre le travail sur la mise en scène de Bruce Miller et un style pictural proche de Rembrandt est chose apparente. Peintre hollandais du XVIIème siècle, ce dernier se refusait d’idéaliser son sujet et s’efforçait de le montrer sous son vrai jour. Offred, le sujet de Miller, nous est systématiquement présentée dans des situations de faiblesse intense. Scènes de viol mensuelles, crises de démence  ou retour vers une forme d’animalité primitive telles sont les images qui nous révèlent la servante dans son rôle au sein de sa « famille d’accueil ». Le dialogue étant interdit ou la réponse à une question souvent robotisée, l’éclairage met en lumière le sentiment intérieur des personnages. Le clair obscur omniprésent dans l’œuvre de Rembrandt et dans la série ajoute au tragique du sujet. Aussi, la lumière devient un élément concret de composition qui rejoint les autres règles ‘’classiques’’ de construction de l’image.  Si dans la peinture hollandaise du XVIIème les couleurs froides sont prédominantes, Rembrandt se pare lui d’une palette de tons chauds et joue ainsi sur le contraste des tons pour briser la distance qui sépare le sujet du spectateur ; élément encore une fois visible dans la photographie de The Handmaid’s Tale. Le monde de Gilead est fade, désaturé, hormis les costumes qui reflètent les différentes castes féminines et permettent donc aisément au spectateur de s’y retrouver sur le rôle de chacune dans cette société. La symbolique est bien évidemment de mise  avec ces robes d’un rouge ‘’menstruel’’ pour les servantes - expression reprise d’Offred dans le roman - et leurs coiffes d’un blanc pur et donc innocent. Au-delà de ce simple postulat, on pourra noter que le rouge est LA couleur qui joue sur les sentiments ambigus. Synonyme d’amour et de colère, de sensualité et de sexualité, de courage et de danger,  c’est donc le paradoxe de cette couleur qui colle parfaitement au personnage de la servante qui joue un double jeu, entre faire vivre Offred et laisser June exister. Plus subtil, mais néanmoins important détail, le nom d’Offred - ou Off–Red, hors du rouge - définit bien le caractère du personnage : elle se refuse de coller à la position qu’elle se doit d’endosser dans cette société.

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Les Marthas (les domestiques) portent, elles, de modestes tabliers de ménage marron. Souvent associée à la terre, cette couleur met en avant la douceur dont la domestique fait part à l’égard d’Offred. Couleur neutre, les Marthas ne prennent jamais part au débat et disparaissent donc dans la fadeur des maisons. Le nom de cette caste n’est lui-même pas dû au hasard : Martha dans la langue araméenne est une personne obsédée par les tâches ménagères.

Le bleu « canard » est la couleur associée aux femmes des commandeurs. C’est une couleur état d’âme pour le personnage de Serena Waterford, jouée par Yvonne Strahovski, femme du commandeur chez qui Offred est placée. Là aussi le prénom de Serena est évocateur, le bleu étant la couleur de la sérénité et du calme intérieur, traits de caractère dont Serena fait preuve. Ce n’est cependant qu’un masque pour ce personnage qui dévoilera son vrai visage au fil des épisodes. Associé aux commandeurs et aux services de renseignements connu sous le nom de « L’œil », le noir plane tel une menace sur les personnages de la série. Un van noir est ainsi pour une servante gage de mort si celui-ci se gare devant la maison de son commandeur. De même, Fred Waterford, interprété par Joseph Fiennes, perd son ton autoritaire de Commandeur face à Offred sitôt que celui-ci quitte sa veste de costume noire et se met donc à la portée de « sa » servante.

La créatrice des costumes de la série, Ane Crabtree, a ainsi mis en place un jeu des couleurs qui orchestre à son tour un jeu des apparences. Les uniformes que portent tous les protagonistes soulignent  les expressions des visages et le jeu des acteurs. Avec l’ambition de montrer la modernité d’un récit plus de trente ans après sa parution, The Handmaid’s Tale se pose  en série phénomène de l’année. Une série féministe ? Tout dépend de sa définition. Terrifiante et violente ? Certainement. Politique et actuelle ?  Malheureusement.

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Crédit photographique : |Copyright George Kraychyk/Take Five /Hulu / Copyright tmdb

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