Splitscreen-review Image de la Fête des Lumières

Accueil > Expositions / Festivals > Fête des Lumières

Fête des Lumières

Publié par - 13 décembre 2017

Catégorie(s): Expositions / Festivals, Jeux vidéo

Des arts universalistes au cœur de Lyon

On se souvient facilement de l'héritage cinématographique lyonnais mais, plus rarement, de la place forte vidéoludique qu’a été et représente toujours Lugdunum. Cette convergence invite à se demander si des filiations existent entre ces deux supports et si l’un n’a pas été le terreau du développement de l’autre. Cette idée ou éventualité a été ranimée et attisée par la présence lors de la Fête des Lumières version 2017, de deux installations qui, à distance respectable, permettaient de s’interroger sur cet aspect de la vie locale.

La première œuvre de cette Fête des Lumières à nous intriguer nous attendait à la sortie de la station de métro Bellecour côté Place Antonin-Poncet. Le dispositif s’appropriait l'architecture de la place, jouant du seul clocher restant de l'hôpital de la Charité et de la façade de l'hôtel des Postes qui lui fait face. Une barre de chargement typique des vieux jeux vidéo se charge à 100 % et alors une sœur, son frère, une lampe de poche à la main, et leur chien font leur apparition. Ils entrent dans ce qui semble être un sombre débarras à moins que ce ne soit un grenier, lieu où les adultes devenus parents entreposent leurs souvenirs de jeunesse. Dans un recoin de celui-ci, une borne d'arcade reprend vie avant de les aspirer dans ses circuits imprimés ; difficile de ne pas penser à Tron. Les personnages ont été littéralement absorbés comme peut l'être un joueur rentrant dans le Flow du psychologue Mihály Csíkszentmihályi.

Le triptyque vidéo accueilli dans sa forme par les deux façades du clocher et celle de la Poste lors de la Fête des Lumières 2017, met alors à l'honneur trois jeux de l'éditeur japonais Bandaï Namco, acteur majeur de l'industrie vidéoludique lyonnaise actuelle. Le premier d'entre eux est l'emblématique Pacman. L'ambiance frénétique des salles d'Arcade refait alors surface et ravive auprès de certains leur tendre jeunesse passée à dépenser compulsivement leur argent de poche pour relancer de nouvelles parties. Une fois le fantôme rouge Blinky mangé, les enfants se retrouvent face au jeu de combat Tekken, terrain connu de nombreux joueurs de la PlayStation 1. Enfin, une œuvre beaucoup moins connue du grand public succède aux précédentes. Inspirée par la vague des jeux indépendants, Little Nightmare et son univers cauchemardesque termine le tour d’horizon. En trois jeux, l'installation fait l'inventaire de la diversité de l'art vidéoludique au fil du temps. L’observation contemporaine d’une certaine forme d’évolution captive autant que ces jeux séduisirent par le passé différentes générations aux publics hétérogènes.

La seconde installation de cette Fête des Lumières qui nous intéresse se nichait Place des Terreaux. Elle reposait sur la mise en place d’un dialogue entre la façade du Musée des beaux-arts et celle de la mairie de Lyon. L’installation se tournait résolument vers le cinéma et confirmait une nouvelle fois, symboliquement, le statut d'art majeur du 7e du nom. L’œuvre se présentait comme une sorte de rétrospective du paysage filmique depuis La Sortie des Usines Lumière jusqu’à nous. C'est encore l'enfance qui faisait office de trait d’union temporel pour cette installation. L’idée était fort simple mais efficace puisque, indirectement, elle interrogeait sur le rôle et la position du spectateur/voyeur vis-à-vis d’un film. Une enfant, telle Prométhée, apporte la lumière au propre comme au figuré : elle éclairait l’espace de la représentation et, en même temps, en se cachant pour regarder ou rejouer ses films préférés, nous offrait l’occasion d’une promenade cinéphilique comme nous les aimons tant. Et que cela se déroule lors d'une célébration devenue emblématique de la ville de Lyon, la Fête des Lumières, est inévitablement riche de sens.

Les deux réceptacles de représentation, les façades des deux édifices, constituaient un diptyque qui, par le débat convoqué par les images, semblait vouloir nous dire que toute œuvre peut être source d’imagination et de réflexion. Et cela, quelle que soit sa qualité intrinsèque et son passé. Il y avait bien un moment qui résumait admirablement ce message. Il s’agissait du télescopage d’une image de l'espace et d'HAL 9000, l’ordinateur déviant de 2001: l’Odyssée de l'espace, le tout sublimé par la musique iconique de Strauss : Ainsi parlait Zarathoustra. La rencontre se transformait en un duel de sabres lasers qui laisseront place aux fameux vaisseaux X-wing.

Ces deux installations, au cœur d'une ville habitée par ces deux formes d’expression, transmettaient un message simple, un message universaliste qui brise les barrières entre art noble et art populaire. Car l'un comme l’autre peuvent nourrir l’individu. Peu importe de savoir si les prochains Hitchcock et Jonathan Blow sont nourris par un art trivial ou respectable (il reste d’ailleurs à définir ce qui l’est ou pas). Ce qui importe, c’est que ces futurs créateurs soient en mesure de transcender les modes d’expression pour créer de nouvelles beautés sensorielles, de transformer les individus et de se sublimer eux-mêmes. Ce n’est pas en soit la qualité d’une œuvre qui cultive mais bien ce qu’elle suggère chez celui qui la reçoit et ce qu’il sera en mesure d’en retirer : émotion, plaisir, frustration, analyse critique, introspection, réécriture, inspiration mais avant tout échange, communication et héritage, pour que, de génération en génération, l’Homme s’élève. Oui décidément, la Fête des Lumières, cette année, était bien synonyme d'illumination.

Crédit image : copyright Bandai Namco

Partager

à lire aussi