Avant d'observer ce qui fait le charme de ces Alice Comedies, un petit point historique s’impose. Tout le monde connaît Walt Disney pour sa célèbre souris, Mickey Mouse, mais ignore la plupart du temps les prémisses de cet aboutissement artistique, comme par exemple, les Alice Comedies. Après avoir monté une société de production sans grand succès en 1921, Disney tente l’aventure Hollywoodienne en cherchant à vendre en 1923 un pilote de série : Alice’s Wonderland. C’est alors que Margaret Winkler embauche Walt Disney pour la réalisation de 12 formats courts. La série trouvant son audience, elle comptera au final 56 épisodes. En 1927, il abandonne les Alice Comedies et se lance dans un projet d’animation pure : Oswald, le lapin chanceux.
Alors les Alice Comedies c’est quoi ? Et bien ce sont des films courts d’une dizaine de minutes chacun, en noir et blanc, muets, et réalisés par Walt Disney au début de sa carrière. Ils ont pour particularité, et cela tend vers le génial, de mélanger de l’image animée avec de la prise de vue réelle. L’idée est extraordinaire et témoigne d’une ambition technique démesurée pour l’époque. On y suit les aventures d’Alice qui se balade dans un monde de cartoon et fait rapidement les quatre cents coups avec le chat Julius et se retrouve confrontée à un méchant ours, qui deviendra ensuite le fameux méchant de la franchise Disney : Pat’Hibulaire.
Outre la restauration remarquable des copies proposées par Malavida, ce qui est marquant dans les Alice Comedies, c’est la modernité dont font preuve ces œuvres. Le personnage d’Alice en est la démonstration même. Un personnage très mur et très entreprenant pour son âge. C’est elle qui décide ! Elle se moque, fait des bêtises, utilise des armes, n’a peur de rien… Elle va, dans Alice joueuse de flûte par exemple, être le cerveau d’un plan machiavélique qui a pour finalité de faire disparaître un méchant roi avec un aspirateur. Dans Jour de pêche, elle devient la chef d’une bande de jeunes garçons. Autant dire que ce personnage, qui frôle souvent l’insolence, est en avance sur son temps ! Étonnant d’ailleurs, au regard de ce témoignage, de voir ensuite la tournure qu’ont prise les personnages féminins dans les productions de Walt Disney.
Particularité première de cette conception de l'animation, tous les éléments de l’histoire peuvent prendre vie à n’importe quel moment. Les gags et les situations sont complètements irréalistes, défiant allègrement les règles de la physique pour devenir un pur reflet de l'imaginaire du réalisateur. Des bagarres dans le vide, des courses à cheval acrobatiques, des dédoublements de personnages, une souris qui fait du vélo sur un éléphant… Autant de situations qui créent une atmosphère inédite pour l’époque et toujours aussi déroutante. Les effets sont d’une fluidité époustouflante et les surimpressions d’Alice et du dessin restent très souvent impressionnantes plus de cent ans après !
Tout le monde s’amuse et petits et grands y trouvent leur compte. Ce côté iconoclaste de la série n’est pas sans rappeler l’esprit Disney Pixar d’aujourd’hui : les références cinématographiques abondent et la narration séduira les plus difficiles. Les copies présentées ici par Malavida ont été sonorisées avec l’Orchestre de Chambre d’Hôte et même par Manu Chao pour Alice Joueuse de Flute. Ces choix musicaux, assez libres, peuvent dans un premier temps être surprenants, voire même déstabilisants, mais finalement participent de l’étrangeté globale. Ces pastilles mériteraient indéniablement d’être vue en ciné-concert. En tout cas, ces Alice Comedies Vol 2 constituent une formidable découverte où les situations insolites, rafraîchissantes et parfois même poétiques étonnent le spectateur conquis. Je n’avais pas vu le Vol 1… Je file le chercher !
Crédit photographique : © Malavida
Programme composé de :
JOUR DE PÊCHE
Alice s'échappe en douce avec sa bande de copains pour une partie de pêche pleine de surprises : mais elle se retrouve au Pôle Nord avec les esquimaux !
LA MAGIE DU CIRQUE
Alice et son ami Julius jouent les équilibristes et le lion croque le dompteur ! C'est un cirque de folie !
L'OUEST MOUTONNEUX
Alice repart à la conquête du Far West et nous refait l'attaque de la diligence. Avec l'apparition d’un nouveau méchant : Pat’Hibulaire !
ALICE JOUEUSE DE FLÛTE
Une interprétation très libre du Joueur de flûte de Hamelin, mais Alice et Julius se confrontent à des souris... pas si bêtes que ça…