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Last Flag Flying

Publié par - 24 janvier 2018

Catégorie(s): Cinéma, Critiques

The Last Flag Flying se déroule en 2003. Larry « Doc » Sheperd, un ancien médecin de la Navy, retrouve Sal Nealon, un gérant de bar et le révérend Richard Mueller. Tous les trois ont combattu ensemble au Vietnam mais ils ne s’étaient pas revus depuis trente ans. Larry est venu leur demander de l’accompagner aux funérailles de son fils, mort au combat en Irak et dont le corps vient d’être rapatrié aux États-Unis. Sur la route, l’émotion se mêle aux fous-rires car les trois hommes voient leurs souvenirs remonter et ils retrouvent leur camaraderie...

Le cycle de la guerre

A 57 ans, Richard Linklater compte déjà 24 longs-métrages à son actif. Un rythme soutenu qui permet de rapidement repérer ses tics de mise en scène mais également de construire une filmographie qui alterne le bon et le moins bon. Le passage du temps perçu par l'intermédiaire de personnages dont on creuse l’intimité, voilà grossièrement le fil rouge qui traverse l’œuvre du réalisateur de Génération Rebelle, A Scanner Darkly ou Boyhood (qui fut la symbiose parfaite de ces deux thématiques).

Pour The Last Flag Flying (adaptation du roman éponyme de Darryl Ponicsan) Richard Linklater, avec ce road-trip de sexagénaires, ouvre le champ de l’intime vers le politique. Le but affiché est ici de tisser un lien intergénérationnel Vietnam / Afghanistan / Irak. Car c’est bien à travers ces guerres menées au-delà des frontières que les générations se définissent aux États-Unis, un cycle infernal constitué d’illusions et de valeurs perdues, de mensonges et de patriotisme flou. Le trio Cranston, Carell, Fishburne (dans une sorte de rôle post-Apocalypse Now) se retrouve 30 ans après une expérience traumatique commune au Vietnam pour enterrer le fils de l’un des leurs, tombé en Irak. Trois décennies se sont écoulées, et l’interventionnisme américain continue de faire couler le sang des siens et des autres, le cycle se perpétue. Pourquoi ? Eux-mêmes se considèrent inaptes à comprendre les tenants et aboutissants du jeu géopolitique mondial, dans lequel se broient les corps des populations soumises aux règles dictées par les classes dominantes. Tout ce qu’ils savent et comprennent, comme l’explique Fishburne dans une scène toute en subtilité devant une télévision retransmettant un message de George Bush Jr, sont les mensonges et souffrances qui en découlent.

Car bien que les membres du trio soient foncièrement différents pour universaliser le scénario (Cranston brûle la vie par les deux bouts, Fishburne se dévoue à sa foi, Carell tente de respirer alors que la vie lui enfonce la tête sous l’eau), ils se rejoignent sur un point : ils sont désabusés. Là où The Last Flag Flying touche juste, c’est sur la captation de la complexité du ressenti éprouvé par le vétéran américain envers sa patrie. Bien loin du pamphlet anti-militaire d'un Né un 4 Juillet, Linklater utilise à merveille ce qu’il fait le mieux pour illustrer la complexité de son sujet : son art du dialogue et de la caractérisation intime de ses personnages. Nous ne sommes pas uniquement dans un sujet sur l'après-guerre, Vietnam ou Irak, mais sur la matérialisation d'une vraie connexion entre tous ces conflits et leur impact psychologique sur le long terme.

Le film excède les limites du simple décorum d'un road-trip entre copains dépassés par leur époque (ce que vend un peu trop naïvement l’affiche française…) pour creuser efficacement la psyché de ses protagonistes. L'amertume de l'ancien combattant envers la société est certes là, mais il n’occulte pas la part de questionnement sur soi-même. À ce titre, la pertinence des ces mensonges d’État tellement haïs se retrouvera même remise en cause à travers la meilleure scène du film, lors d’une visite chez la mère d’un ancien compagnon. Au-delà de l’enterrement du fils de Steve Carell, on sent que toute l’écriture tend vers cette scène où une profonde remise en question fait brutalement irruption.

Mais, si la finesse du propos est caractéristique de son auteur, la mise en scène assez plate et le rythme décousu l’est malheureusement tout autant. Ce côté convenu en terme de cinématographie pure n’est pas aidé par la photo de Shane F.Kelly, assez quelconque et plus proche des standards TV. Dommage quand on voit les efforts fournis par Amazon Studios pour produire des œuvres fortes visuellement (The Neon Demon, Lost City of Z, Manchester by the Sea…). The Last Flag Flying est de ces films qui vous enrichissent de par la qualité de leur écriture et le message qu'ils véhiculent, mais qui ne laissent pas une expérience de cinéma inoubliable.

Crédit photographique : Copyright Metropolitan FilmExport

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