Splitscreen-review Image de Cro Man de Nick Park

Accueil > Cinéma > Cro Man

Cro Man

Publié par - 7 février 2018

Catégorie(s): Cinéma, Critiques

Cro Man se déroule pendant la Préhistoire, quand les dinosaures et les mammouths parcouraient encore la Terre, un homme des cavernes courageux, Dug, et son meilleur ami Hognob s’unissent pour sauver leur tribu d’un puissant ennemi.

Stop Motion World Cup 2018

Pour tout amoureux de films d’animation « faits main », les Studios Aardman sont les figures de proue d'un eldorado où l’art du stop-motion concilie maîtrise totale et réussite commerciale. Depuis près de trois décennies, les Anglais de Bristol, à travers leurs ambassadeurs Wallace et Gromit (puis Shaun le Mouton pour la génération suivante), ont réussi à rendre leur lettre de noblesse à un style qui tombait quelque peu dans l’oubli depuis les années 1960. C'était un temps où Le 7ème Voyage de Sinbad, Jason et les Argonautes ou Le Monstre des Temps Perdus époustouflaient le public. Puis ce mode opératoire passa et cette technique devint rarissime. Seuls y faisaient référence, dans leurs œuvres, quelques cinéastes passionnés (le ED-209 du Robocop de Verhoeven, la Large Marge du Pee-Wee’s Big Adventure de Tim Burton…).

Véritables enfants spirituels de Ray Harryhausen, auquel ils ne manquent jamais de faire référence, les fondateurs Nick Park et Peter Lord incarnent certainement aujourd'hui les plus évidents représentants du stop-motion auprès du grand public. Un art par essence cinématographique, avec la création du mouvement d'objets inanimés (en l’occurrence ici la pâte à modeler) via une succession de clichés photographiques jouant sur la perception rétinienne. Et il aura fallu attendre treize ans (depuis Wallace et Gromit : Le Mystère du Lapin-Garou en 2005, premier film en stop motion à obtenir l'oscar du meilleur film d’animation) pour revoir Nick Park à l’œuvre dans les salles obscures. Il traverse pour cela la Manche afin de s’associer aux Français du StudioCanal et financer Cro Man, comédie sur l’Âge de pierre et, plus surprenant, le football !

Pour sauver son peuple de l’exil, notre héros et sa tribu "simplette" de l’Âge de Pierre vont devoir battre le Real de Bronze, équipe capitaliste de superstars prétentieuses, pur produit de l’âge du moment (de Bronze donc). C’est que dans Cro Man, le football n’est pas un sport, c’est un sujet d’adulation, de mythologie, de vénération ! Et à juste titre, car on y joue avec une réplique du météore qui annihila l’ancien monde quelques âges plus tôt… La sous-lecture est belle, avec quelques gags discrets mais efficaces sur le milieu du ballon rond (la « cotisation volontaire obligatoire » pour entrer au stade). Mais Nick Park est avant tout un conteur qui aime unir son monde, donc, il est inutile d'y chercher une critique quelconque sur la FIFA, même en filigrane. Son envie, c’est de faire rire à partir de l’universel. Et Cro Man y parvient aisément.

Dès la séquence d’ouverture, Park nous rappelle qu’il est un amoureux du cinéma et de son histoire. Cinq minutes avec un grain pellicule et une technique similaires aux premiers courts-métrages des Studios Aardman (nombre d’images par seconde, les traces de doigts sur la pâte à modeler toujours visibles), durant lesquelles sont balayés les dinosaures pour laisser place au sacro-saint ballon météorite. Générique, puis retour à la technique moderne… et quelle technique ! Le film démontre une nouvelle fois que tout est possible en animation physique si tant est qu’on la couple intelligemment à la technologie numérique. Décor gigantesque, profondeur de champ, cadre extravagant, action à plusieurs centaines de personnages… Tout contribue à donner à Cro Man un rythme haletant qui saura tenir en haleine le spectateur, jeune et moins jeune, jusqu’au coup de sifflet final.

De tous les films du studio, Cro Man s’impose comme celui qui s’adresse probablement le plus à une audience jeune. L’affirmer n’est pas le considérer comme un défaut, bien au contraire puisque c’était le projet initial de son auteur : donner véritablement naissance à un fantasme d’enfant, lui, le passionné de l’âge préhistorique. Là où l’on pourrait considérer l’intrigue comme simpliste, lui vous répondra qu’il souhaite avant tout présenter un film tel qu’un enfant pourrait l’envisager. En ce sens, il y parvient totalement avec cette naïveté touchante, habitée, qui imprègne chaque gag et personnage et, surtout, non dictée par des dogmes commerciaux. Cro Man est un film très personnel, mis en scène par un vétéran encore motivé pour photographier ces 340 clichés par jour, réaliser ces quatre secondes de film par jour de tournage. Ceux qui en doute se demanderont combien de metteurs en scène auraient encore l’esprit assez libéré et enfantin, à 59 ans, pour doubler Hognob, le cochon compagnon du héros.

Crédit photographique : Copyright 2017 Studiocanal S.A. and The British Film Institute / Chris Johnson

Partager

à lire aussi