Splitscreen-review Image de Mission Impossible : Fallout de Christopher Mc Quarrie

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Mission Impossible : Fallout

Publié par - 6 août 2018

Catégorie(s): Cinéma, Critiques

Avant toute chose, il est important de préciser qu'un film de la saga Mission Impossible ne s'appréhende pas de la même façon qu'un autre. Il y a, avant de rentrer dans la salle, le plaisir d'une sorte de régression qui s'empare de nous et nos exigences doivent être proportionnelles à ce qu'on va y découvrir, à savoir, un blockbuster. Le blockbuster est, à l'origine, le nom donné par les Anglais à une bombe de gros calibre capable de raser des quartiers entiers de Londres pendant la seconde guerre mondiale. Au cinéma, la transposition est parfaite : le blockbuster nivelle la concurrence des multiplexes et élimine tout le reste de la distribution. Ce type de cinéma, le plus populaire, comme le western l'a été ou comme le sont les séries aujourd'hui, continue de diffuser sa vision du rêve américain. Et en ce mois d'août 2018, la machine de guerre s'appelle Mission Impossible : Fallout, sixième volet de la franchise Mission Impossible débutée en 1996, il y a 22 ans déjà. Exit le film de super-héros Marvel et ses personnages en CGI, ici notre super-héros s’appelle Tom Cruise et il est fait d'os, de chair et de sang.

Changement majeur dans la tonalité de la saga, Christopher McQuarrie est le premier réalisateur à prendre en charge deux opus. Une des grandes forces de cette franchise est d’avoir su faire appel à des réalisateurs au style différent pour chaque film, tous réputés virtuoses dans leur catégorie (De Palma, J.J Abrams, Brad Bird pour ne citer que les meilleurs). Alors que redouter de la prise en charge de deux films par le même réalisateur ? La recette artistique fonctionne-t-elle toujours ?

Bon ou moins bon pour certain, Fallout est en tout cas un film à appréhender avec curiosité. On pourrait lui reprocher en premier lieu une évidence : la disparition du genre, celui du film d’espionnage, et quelques lourdeurs dans le propos. Chaque nouveau film de la série reçut d’abord ce type d'accueil "froid" avant que l’on finisse par reconsidérer ses qualités intrinsèques. Pas un n’y a échappé.

Bis repetita avec Fallout. On pensera d’abord que l’aspect "espionnage" a perdu en intensité pour un développement intense d’adrénaline et que le scénario n’est plus qu’un liant profondément américain pour les nombreuses scènes d’action. Ce qui est juste, indéniablement.

Mais éjectons vite les considérations de rigueur et regardons l’essentiel. Fallout est et sera probablement le meilleur film d’action de 2018. Dissimulé derrière le titre Mission Impossible, ce film est très certainement le fantasme cinématographique ultime de Tom Cruise, le film qu’il aurait réalisé et Fallout concrétise une certaine idée de l'absolu filmique. Christopher McQuarrie est, pour les besoins de ce film-là, un cinéaste « yes man », talentueux qui met en forme filmique les désirs d’un acteur qui se situe hors de toute réalité. Le résultat est maîtrisé, réfléchi, faste tout en restant soft et surtout actuel et même intemporel.

Intemporel parce que Fallout est LE film d’action par excellence. Celui qui lorgne du côté de John Carpenter, d'Hitchcock, de McTiernan ou Katerine Bigelow. Il n'est pas sans évoquer également ces films où le nom d'un acteur était la promesse d'une caractérisation des rôles et pour lesquels le public se déplaçait ; on songe alors fortement à Belmondo qui ne cessait dans ses interprétations de repousser les limites du physiquement réalisable. Christopher McQuarrie pense et filme à merveille deux éléments essentiels au film d'action : le corps et l’espace. Rapport totalement maîtrisé ici et les péripéties qui en résulte transcendent la mise en scène. Le corps se meut dans un espace en 3d (il y a de la profondeur et du volume dans les plans de McQuarrie) et devient la propre métaphore visuelle du mythe Ethan Hunt. Le ciel observe la naissance du monde dans le vertige et la douleur lors d’une chute libre au milieu des éclairs. Paris devient la carte mentale du héros (qui lutte intérieurement contre lui-même) par l'intermédiaire de ses rues, ses carrefours à plusieurs issues et ses souterrains. Londres, quant à elle, est un théâtre où le héros chassera la mort elle-même pour lui prouver son invincibilité. Ethan Hunt n’est pas un atout qui vole à la rescousse de ce monde, il est le monde.

Tom Cruise exécute toutes les prouesses imaginables : chute libre, pilotage, escalade, combat et course à pied (probablement la plus belle de toute sa carrière). C’est le contrat qu’il réalise d’abord avec lui-même pour que la mise en scène emporte le film jusqu’aux plus hautes sphères du film d’action. Jamais cette intention, toujours présente dans Mission Impossible, ne fut autant désirée et aboutie que dans Fallout.

Alors, oui, l’espionnage se résume ici à une scène d’interrogatoire (réussie) en hommage au premier volet. Mais le propos cosmogonique qui voit la lutte et le sacrifice associés à la création du monde, cette énergie primordiale qu’il faut entre deux géants pour représenter les contraires qui s’affrontent en l’homme, font de Fallout un bon film mais aussi une œuvre importante qui contribue à alimenter un peu plus la dimension mythologique de Tom Cruise. Une réussite totale.

Crédit photographique : Copyright 2018 Paramount Pictures. All rights reserved. / Chiabella James

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