Accueil > Jeux vidéo > Overwatch
Cela fait déjà un an que Overwatch est sorti et fort de grandes qualités ludiques et d'un suivi régulier, il a su pour l'instant écarter les outrages du temps. Il faut dire qu'en terme de longévité, son éditeur Blizzard est coutumier du fait puisqu’il a également produit World of Warcraft qui compte plus de 3 millions de joueurs après 13 années d’existence. Et ces qualités de pérennité, les jeux Blizzard les doivent aux talents de leur créateur. Pour Overwatch, jeu multijoueur, les développeurs font preuve d'un talent inédit, celui de narrer une histoire dans un style de jeu qui, apriori, ne s'y prête pas. La problématique est belle mais comment concrétiser ces intentions ?
La première piste à suivre pour résoudre l'équation consistait à élargir le champ des possibles en créant une franchise trans-média. C'est donc dans un premier temps ce qu'a fait Blizzard. Le studio possède des moyens colossaux, tant financiers qu'humains, ce qui lui autorise des folies autant visuelles et narratives que techniques.
La première audace qui résulte de ce choix tient dans la création de courts-métrages tout en 3D, d'une qualité rare, qui se focalisent sur un ou plusieurs personnages et leurs passés respectifs. Le dernier en date, sortie à l'occasion de la Gamescom (plus important salon européen de jeu vidéo) aborde le passé d'un personnage atypique dans un univers guerrier, celui de la climatologue Mei-Ling Zhou. Celui-ci met en scène les évènements qui transforment la scientifique en membre armé de l'organisation Overwatch. Ainsi les courts-métrages permettent d'explorer l’antériorité des personnages et de sanctifier les lieux qui furent le théâtre des affrontements et des aventures des héros. (Voir en bas de page lien vers le court métrage en question).
Les illustrateurs de Blizzard possèdent un talent incroyable. Cela leur a permis la création de bandes dessinées liées à l’univers. Celles-ci ont pour fonction d’approfondir la personnalité des héros mais aussi de développer des liens entre eux, de légitimer certaines revendications ou actions de chaque groupe et d'ouvrir l'histoire à d'autres espaces inconnus de ceux qui se contentent d'être joueur comme Venise dans la BD intitulée "Bas les masques".
Il arrive parfois qu'un média unique soit utilisé pour une occasion particulière. Ce fut le cas pour le personnage de Sombra, une hackeuse mexicaine. Ainsi Blizzard s'appuyant sur son background, a instauré ce qu'on appelle un ARG (alternate réality game). Cela consiste à mettre en place une énigme sur un temps donné à l'aide de divers médias pour fournir des informations aux joueurs curieux de découvrir la nature du nouveau personnage : informations codées dans des vidéos, messages mystérieux et interactifs sur le forum du site, éléments nouvellement ajoutés aux cartes du jeu... Le tout en garantissant cohérence entre l'histoire racontée et la forme de celle-ci.
Le studio publie aussi régulièrement des articles d'aspect journalistique sur son site autant pour narrer des événements du scénario que pour styliser des annonces de nouveaux contenus par exemple. Tout cela se complète par l'apport de matériaux de moindres mesures, notamment des dessins animés faits à la main ou la production de vidéos dites "en temps réel" directement dans le moteur de jeu pour familiariser les joueurs à l'univers des ramifications narratives à venir. C’est le cas par exemple du dessin animé traitant de Doomfist, du court-métrage "en temps réel" traitant de la ville de Junkertown intrinsèquement liée aux personnages de Junkrat et Chopper, un niveau de jeu additionnel pour le titre.
Dans un second temps, l'univers du jeu se densifie dans le temps. Cela passe entre autre par des événements ponctuels interagissant directement dans le jeu. Les développeurs créent alors un contenu particulier avec un gameplay dédié et donc des éléments narratifs uniques. L'un des plus marquants est l'événement appelé "Insurrection". Il met en avant un environnement bien connu des joueurs, la carte King Row. Mais ici, elle abhorre de nouveaux éléments décoratifs pour mettre en scène un passage primordial de la mythologie d'Overwatch, la crise des Omniums (une guerre entre humains et robots). Ces événements permettent de raconter l’histoire des lieux, parfois de mettre en scène le quotidien des héros mais également celui en background, du monde du jeu.
Mais ce ne sont pas les seuls éléments qui ajoutent des ramifications scénaristiques au jeu. Ainsi chaque nouveau personnage jouable, ajouté périodiquement, véhicule un passif qui se nourrit de ses relations avec les autres protagonistes du jeu et les environnements qu’il parcourt. Celui-ci se voit souvent accompagné de média venant approfondir son background comme l’ARG cité plus haut pour le personnage de Sombra. Enfin, chaque nouvelle carte ajoutée vient elle aussi avec son background, ses personnages intimement liés comme Junkertown cité plus haut ou encore Colonie lunaire intimement liée au singe Winston. Tout ceci s’exprime à travers des outils de narration spécifique au jeu vidéo ; on parle alors de narrative design.
Dans une partie d’Overwatch, trois éléments peuvent dispenser quelques connaissances au joueur. D'abord, ce que l’on appelle la narration environnementale. Le principe est simple, le décor explicite par l'atmosphère qui s'en dégage nombre de situations. Cela passe par l’architecture du lieu, sa destruction, les carcasses de robot, les tags sur les murs, etc. Ainsi, par exemple, King Row nous raconte, par la lecture de ses tags, la haine affichée par certains humains vis à vis des robots.
Si les lieux peuvent raconter une histoire, les héros qui les peuplent ainsi que leurs costumes participent du même principe. On parle ici de charadesign. Entrent alors en compte les blessures physiques, la symbolique tant des couleurs que d’autres détails, etc. L’ensemble de ces détails apporte des anecdotes et aide à construire l’histoire du personnage concerné. De ce fait, chaque costume supplémentaire ajouté au jeu peut encore densifier un peu plus le background des personnages. Le costume funèbre de Reaper indique par exemple que son identité de Gabriel Reyes est à jamais morte.
Enfin en début de partie, des dialogues de quelques phrases se font entendre entre les différents personnages composant chaque équipe. Ainsi, le jeu définit ce qui unit les protagonistes. Certains font preuve d'étonnement en revoyant une vieille connaissance, d'autres d'admiration pour le héros de leur enfance ou témoignent de leur amitié profonde comme Winston et Tracer.
Ainsi donc, Blizzard relève dans le temps le défi conséquent de narrer une histoire dans un jeu sans avoir de trame narrative linéaire directement intégrée au contenu d'origine. En développant un univers trans-média riche tout en utilisant des éléments directement en jeu, Blizzard prouve qu'un jeu ne se limite pas dans le temps et que, finalement, il peut se développer en même temps qu'une interactivité pensée et maitrisée de manière à captiver le plus grand nombre.