Splitscreen-review Image de Le concours de Claire Simon

Accueil > Cinéma > Le concours

Le concours

Publié par - 17 septembre 2017

Catégorie(s): Cinéma, Sorties DVD/BR/Livres

Le nouveau documentaire de Claire Simon montre les étapes successives du concours d’entrée à la Femis, prestigieuse école de cinéma parisienne, et institution emblématique de la sélection des élites à la française. Candidats et jurés interagissent devant la caméra qui reste en position d’observation méticuleuse. Après Le bois dont les rêves sont faits sur le Bois de Vincennes, c'est un tout autre espace habité que la réalisatrice explore par l'intermédiaire de ce film intitulé Le concours.

"Beaucoup de candidats et peu d’élus". Lorsque la phrase est prononcée par l’un des jeunes venant passer la première épreuve écrite du concours, il est facile d'imaginer qu’il l’a répétée à ses proches des mois durant, pendant la préparation de son dossier d’admission. Et peut-être même est-ce devenu un enjeu en soi, au delà de l’enseignement qu’il est venu chercher dans l’école. Le ton est grave malgré la légèreté apparente des visages, autant pour les candidats dont l’endurance est mise à l’épreuve tout au long du processus de sélection, que pour le jury qui se sent investi d’une mission.

Le dispositif pour capter tout cela est étonnamment simple : une équipe très restreinte derrière la caméra, deux, parfois trois personnes, et une discrétion totale dans le film. Leur présence n’est presque jamais dévoilée, aucun regard ne vient rappeler qu'une caméra est là et que derrière, il y a un spectateur. Plus précisément, dans les premières séquences, le film s’ouvre en fait sur une multitude de regards qui parcourent le grand amphithéâtre : certains candidats lèvent la tête de leur copie lorsqu’ils sentent l’objectif de la caméra sur eux. Puis plus rien, comme un dispositif fantôme, effacé. Impressionnant travail d’apprivoisement des murs de la Femis et des candidats qui y habitent le temps des épreuves.

Du côté des candidats, le premier constat, dès l’ouverture du film et du portail de la Femis, puis dans l’amphi, c’est que le plus gros de la sélection se fait avant le début du concours. L’accession à l'élite n’est pas du fait du jury qui témoigne au contraire d'un effort constant pour contrôler ses réflexes subjectifs. L’image, implacable, montre cependant une diversité toute relative sur les bancs de la première épreuve écrite. Mais ce n’est pas le sujet du film, Le concours est une sorte de document anthropologique d’un lieu que Claire Simon a appris à connaître lorsqu’elle y enseignait.

On voit passer des bons et des moins bons, jamais des catastrophes, peut-être par pudeur. Évidement, les candidats montrent différents symptômes de stress et différentes appréhensions face à ce que l’on attend d’eux. Certains veulent simplement être bons, d’autres cherchent plutôt à séduire, plus ou moins maladroitement. La différence entre les deux est subtile et l’un peut parfois être pris pour l’autre, ce qui alimente des débats animés entre jurés.

Côté jury, on découvre deux aspects de la méthode de sélection, qui fonctionnent en parallèle. Une sélection technique dont les critères sont hiérarchisés en grille de lecture. Et puis le critère d’excellence qui écrase tout les autres, la recherche de la qualité rare qui échappe aux tests et qu’il s’agit d'estimer lors des entretiens oraux.

Les jurés sont prudents. Ce sont tous des professionnels extérieurs, briefés pour l’occasion sur le déroulement des épreuves et sur ce que l’on attend d‘eux. Ils forment un bloc dont la mission est de désigner les élèves les plus capables, mais aussi les plus aptes à aller au bout de leur démarche, et à s’intégrer à une promotion puis une équipe voire une atmosphère. Ils cherchent des profils complémentaires ; « il en faut un comme ça », « elle apporterait beaucoup aux autres », susceptibles de créer une dynamique de groupe, enrichissante pour tous.

Les membres du jury sont aussi des individus, et plus que la subjectivité évidente de chacun, ce qui frappe c'est la manifestation des egos. Les discussions entre ces professionnels du monde du cinéma font ressortir les désirs de chacun, la discrétion de certains, et le besoin de convaincre des autres. Le montage entre le passage des candidats et les réactions en délibération montrent aussi leur capacité à être touchés par autre chose que des compétences : « une bouffée de fraicheur », « elle est touchante ». Des commentaires choisis consciemment par la réalisatrice et prononcés par un jury majoritairement masculin sur certaines candidates feront sourire le spectateur, ou grincer des dents, c'est selon.

Les moments d’interaction entre les deux générations lors des oraux, scènes de séduction ou arène de combat, sont des moments difficiles à regarder tant l’empathie nous gagne. L’identification est naturelle, d’un côté ou de l’autre de la table, pour tous ceux qui ont déjà été confrontés à l’exercice d’un concours. Naît une forme de poésie naturaliste provoquée par un mélange de naïveté et de stress face à la bienveillance et l’écoute des professionnels. Puis le rapport de force se renverse lorsque le jury délibère ensuite : arguments spécieux, déraillement de la grille de lecture, grandes tirades sur la justice... Comme si tout était sous contrôle. Mais c’est alors le jury qui se sent fébrile, parfois impuissant face aux résultats. Arrivent enfin les résultats définitifs et le constat, lors de la séance de portraits photos des heureux élus, que ça aurait pu être d’autres à leur place. Mais les absents ont disparu du documentaire, dont la réalité cinématographique n’existe que dans l’enceinte de l’école.

Crédit photographique : Copyright andolfi

Partager

à lire aussi