Splitscreen-review Image de Rencontre du troisième type de Steven Spielberg

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Journal de la Petite Lumière J6

Publié par - 21 octobre 2017

Catégorie(s): Cinéma, Expositions / Festivals

En me rendant à ma séance quotidienne, la radio de la station de métro diffusait Rum & Coca cola, une chanson américaine très populaire en 1945. Cette évocation de l'Amérique post world war II était raccord avec mon planning puisque j'allais voir le film d'un réalisateur né un an après la sortie de cette chanson : Steven Spielberg. Lorsque j'appris la programmation de Rencontre du Troisième Type au festival cette année, ma curiosité fût aussi piquée au vif qu'avec Cronos. Mais là où le film de Del Toro m'était complètement inconnu, celui que je m'apprêtais à découvrir s'est depuis longtemps forgé une excellente réputation, tout comme son réalisateur d'ailleurs. Sans hésitation, j'ai donc acheté une place pour assister à Rencontre du Troisième type, avec l'idée que j'allais découvrir un film important d'un genre particulier qui attise les passions les plus irrationnelles parfois : La Science-Fiction. Et encore une fois, le septième art arrive à me prendre complètement au dépourvu.

On y suit le destin de plusieurs protagonistes ayant pour point commun, le contact probable avec des êtres venus d'ailleurs après avoir constaté la manifestation de quelques étranges évènements. Le récit s'articule autour de trois personnages principaux : Jillian (Melinda Dillon), une mère célibataire vivant avec son fils Barry, le scientifique français Lacombe (François Truffaut) et le réparateur de câble Roy Neary (Richard Dreyfuss). Les trois vont suivre un destin qui, on le devine, les conduira à se croiser autour de cette fameuse Rencontre.

Présenté comme un film de science-fiction pour des raisons évidentes, Rencontre du Troisième type confirme le talent de conteur de Spielberg en lui permettant de dépasser de ce simple rôle. Ici, comme avec Star Wars, la Science-Fiction devient une esthétique en soi, mais la forme n'est pas le cœur du récit. La Rencontre du titre n'intervient que dans les dernières minutes du film, après une longue mise en place. L'histoire se concentre sur les trajectoires des protagonistes jusqu'à cet instant ultime. On est dans une quête. Plus encore, dans un conte illustrant une élévation spirituelle.

Les personnages ont assisté à quelque chose d'unique qui remet en question l'ordre et la vision établie des choses. Si le scientifique arrive à trouver des oreilles attentives, de par son statut d'expert reconnu, ce n'est pas le cas de Roy. Émerveillé par ce qu'il a découvert et envahi par une vision qu'il ne comprend pas, il tente de trouver des réponses à ses questions et se trouve écarté de la société. Il perd son travail, sa famille se met à le détester et ses voisins le jugent sans aucune mansuétude. L'ordre respectable et respecté, incarné par la banlieue américaine typique, ne supporte pas ce qui perturbe son application.

Pourtant Roy persiste et comprend que sa vision, une sorte de tumulus, correspond à une réalité tangible : il s'agit d'une montagne nommée Devils Tower. On est dans la symbolique la plus pure et traditionnelle. Le héros doit atteindre ce lieu pour se rapprocher du ciel et, d'une certaine manière, ainsi sans doute comprendre qui il est. Roy n'est pas à sa place parmi ses concitoyens, même sa famille lui semble étrangère. Personnage rêveur, joueur et émerveillé il contraste avec les réalités d'un monde montré comme rigide, froid et violent.

Un monde non pas acteur d'une violence physique, mais d'une violence psychologique. Ce que l'usage du son dans le film contribue à démontrer . Dès la première scène, et à de nombreuses reprises, le récit se déroule dans un vacarme assourdissant et les personnages rejetant la possibilité OVNI, protecteurs de l'ordre, semblent crier la moitié du temps. Mais en y regardant de plus près, on constate que cet ordre établi représente le monde des Adultes, fait de bruit et de fureur. Le bruit n'est pourtant pas l'apanage de l'adulte, Barry semble continuellement joyeux et curieux, à l'opposé de sa mère, mais les enfants de Roy se mettront, formatés qu'ils sont, eux aussi à lui crier dessus. Il n'est donc pas question d'une dualité Enfant-Adulte en terme de générations mais d'état d'esprit. Un thème que l'on retrouvera d'ailleurs dans E.T. Seuls ceux ayant gardé une âme d'enfant, tel que Roy avec son petit train et son amour pour Pinocchio, ou les scientifiques faisant rouler comme une balle un globe à 2500 $, pourront concrétiser la Rencontre. Car il faut rêver pour entrer en contact avec cette promesse de l'ailleurs ou de l'étrange, il faut être encore capable d'émerveillement pour que la magie opère.

On ne voit que peu de temps ces extraterrestres, mais on saisit très vite qu'il n'y a aucune raison d'avoir peur d'eux. Si l'on comprend les craintes des personnages, notre détachement de spectateur permet de deviner qu'en réalité, il n'y a aucun danger. Quand d'étranges phénomènes arrivent dans et autour de la voiture de Roy, leur surgissement provoque plus de sourire qu'il ne convoque inquiétude. A ce titre, les réactions des adultes, la peur, la colère, le dédain ou la curiosité sont montrés comme bien plus oppressants et angoissants que les actes qui résultent des extra-terrestres. Ils passent pour d'espiègles créatures comme lorsqu'un OVNI arrête d'un coup de suivre ses acolytes pour regarder avec curiosité un panneau publicitaire.

Si le monde adulte et humain est celui de la rigidité et du vacarme, celui des aliens est marqué par la danse et la musique. Cette dernière sert d'ailleurs de moyen de communication pour préparer la rencontre qui commence par un ballet de soucoupes volantes et une symphonie qui assimile le tout à une sorte d'opéra improvisé. Et quand les aliens sortent, on attend un monstre effrayant mais on découvre des créatures un peu pataudes aux allures d'enfants en bas âge. Ils sont dépeints comme des anges par la lecture d'un prêtre priant pour que les envoyés de Dieu protègent ses fidèles. Lorsqu'ils finissent par emporter l'invité-élu, les bras écartés en croix, dans la lumière blanche et aveuglante de leur vaisseau. L'élévation est accomplie.

Ce film va donc à l'opposé de tout ce que je me rappelle avoir vu dans ma vie en termes de récit avec des extra-terrestres, figure de l'étranger au final. Entre Alien, Independence Day, Mars Attacks et bien d'autres, le premier contact est souvent dépeint comme un moment, au minimum de tension, au pire de guerre immédiate. Ici, Spielberg nous illumine d'un certain optimisme. Pourquoi le premier contact se passerait-il forcément mal ? C'est une des nombreuses questions que font naître la Science-Fiction, genre que ma génération semble de plus en plus envisager selon une optique pessimiste comme en témoigne le succès incontestable de toute les licences Post-Apocalyptiques. Cet éclat d'optimisme tempère nos aprioris et fait naître en moi une réflexion : sommes-nous arrivés à un tel niveau de défaitisme généralisé que l'optimisme nous semble original ?

Remercions le jeune Spielberg, qui produisit ce film juste après les Dents de la mer. A demain.

Crédit photographique : © 1977 Columbia

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