Poesia Sin Fin
Publié par Brice Werry - 18 novembre 2017
Catégorie(s): Cinéma, Sorties DVD/BR/Livres
« Sentir qu’on se détache du passé, se retrouver dans un corps d’adulte, supporter le fardeau d’années douloureuses. Mais dans le cœur, conserver l’enfant, comme une hostie vivante, comme un canari blanc, comme un digne diamant, comme une lucidité sans murs, portes et fenêtres ouvertes traversées par le vent, seulement le vent, rien de plus que le vent. »
C’est sur ces quelques vers qu’Alejandro Jodorowsky conclu le premier acte de sa trilogie autobiographique La Danza de la Realidad. Ce film de 2013 retrace l’enfance du réalisateur à Tocopilla, petite ville au bord de l’océan Pacifique au nord du Chili. Comme toutes les familles, celle d’Alejandro à des problèmes, un père autoritaire à l’excès et une mère sur-protectrice, la vie n’est pas facile dans ces années-là au Chili non plus. La Danza de la Realidad, bien qu’autobiographique, conserve la « touche » Jodorowsky où la poésie est présente dans chaque plan, où la vérité ne se voit pas de manière concrète mais s’exprime par l’imaginaire. Qu’il doit être difficile de réaliser une suite à un film en tout point parfait (cet avis n’engage que l’auteur de cet article). C’est après trois ans d’attente que Poesia Sin Fin, prolongement du premier cité, sortira dans les salles obscures et il nous a fallu patienter encore un an de plus pour que Blaq Out l’édite sur support physique DVD et Blu-Ray.
Poesia Sin Fin, logiquement, reprend directement la biographie là où La Danza de la Realidad l’avait laissée. La famille Jodorowsky déménage pour la capitale Chilienne dans les années 40 et très vite Alejandro entre en conflit avec ses parents. Son père souhaite qu’il devienne un grand médecin et l’encourage (le force) dans cette voie, sa mère aimerait tant avoir un fils sachant jouer du violon. C’est lors d’une réunion familiale qu’Alejandro rompt avec sa famille par un acte artistique, il tranche l’arbre du jardin avec une hache puis s’enfuit. Il est recueilli et hébergé par deux artistes qui lui apprennent à libérer la passion créatrice cachée dans son cœur. Alejandro va devenir poète et comme tout poète, il doit avoir un modèle, une muse, des amis artistes, connaitre ses peurs, vivre des aventures…Alejandro Jodorowsky a l’Art dans la peau : « J’ai fait ce qu’il fallait faire parce que si je ne le faisais pas je mourais ». Artiste touche à tout, il ne s’arrête jamais de créer. Il a été marionnettiste, clown, acteur/metteur en scène de théâtre et de cinéma, écrivain, poète, scénariste de bandes dessinées, cartomancien… « La vérité on ne peut pas la toucher, c’est impossible, on ne peut pas la dire, alors je vais chercher la beauté. » Cette citation résume très bien ce qu’il se passe à l’écran dans Poesia Sin Fin durant deux heures, la vérité est là, elle est juste sublimée par la poésie. Chaque scène est une occasion de se laisser porter par l’imaginaire fécond de son réalisateur et d’adhérer à sa vision du monde, de la vie, de l’âme… Comme souvent, le réalisateur associe sa famille à l’entreprise du film. Sa femme est aux costumes – photographe plateau – making of, son fils Brontis joue le rôle de son père, son autre fils Adan joue le rôle d’Alejandro adulte et fait la musique du film. Il n’est donc pas étonnant de se retrouver à la fin de l’œuvre en pleine psychanalyse familiale, de naviguer entre plusieurs niveaux de lecture, et d’assister à un moment particulier chargé en émotions.
Alors est-ce que la suite est meilleure que la première partie ? Bien que Poesia Sin Fin est une réelle œuvre d’Art, il est humain de le comparer au film dont il est la suite et hélas malgré toutes ses qualités, il souffre de la comparaison, principalement au niveau du rythme. Là où le premier film alternait des séquences entre les aventures d’Alejandro d’un côté et de son père de l’autre apportant dynamisme à la fresque, le deuxième film est une complète succession de séquences centrées sur le personnage d’Alejandro Jodorowsky. Un sentiment de lassitude peut alors gagner les spectateurs les moins convaincus par ce genre de cinéma sur les dernières scènes. Cependant il était inéluctable de passer par là, c’est un film AUTObiographique sur le passage à l’âge adulte, période où l’on se pose des questions sur SOI. Commence désormais l’attente (interminable ?) avant de voir la fin de cette trilogie, Voyage Essentiel, qui retracera certainement son arrivée à Paris, ses débuts, sa rencontre avec le mime Marceau, les évènements de mai 68…
Les bonus :
Jodorowsky disait à propos de La Danza de la Realidad, qu’il avait accouché d’un enfant,
C’était un film fait en secret pour lequel il n’a pas fait de promotion, pas de making of, rien. Le bonus du film était alors très succinct et se résumait à la présentation du film à Cannes. Ensuite, les choses ont changé.
Nous avons notamment droit dans cette édition de Poesia Sin Fin à un entretien où le réalisateur raconte "tout le bien" qu’il pense d’Hollywood, des images no-comment du tournage où l’on voit le metteur en scène à l’œuvre et une séance de "psychomagie" dans un théâtre espagnol.
Un merci à Blaq Out, l’éditeur, d’avoir été plutôt prolifique sur les bonus.
Crédit photos : ©Pascale Montandon-Jodorowsky
Le Bluray :
Le film est livré en Version Originale avec sous titres français uniquement.
La piste audio est disponible en DTS HD Stéréo ou 5.1, la piste vidéo est encodée en MPEG-4 AVC part 10 avec un débit de 38Mbits/s en moyenne.
Qualitativement la compression n’a pas altéré l’image du film, on retrouve un léger bruit d’image dans les ombres uniquement sur les scènes sombres exactement comme lors de la projection en salle. Un bon point.