Police Fédérale Los Angeles
Publié par Stéphane Charrière - 15 décembre 2017
Catégorie(s): Cinéma, Sorties DVD/BR/Livres
Chez Carlotta Films, éditeur précieux, les semaines se suivent et se ressemblent. Après un remarquable Coffret Hou Hsiao Hsien, un fantastique Coffret Hitchcock-Les années Selznick, voici un nouveau titre pour agrémenter leur collection Coffret Ultra Collector qui, comme toujours, a bénéficié d'un soin particulier. Il s'agit de Police Fédérale Los Angeles réalisé par William Friedkin (L’exorciste, French Connection, etc.). Pari osé. Pari réussi. Osé parce qu’à bien y regarder de près, l’œuvre qui bénéficie une nouvelle fois du savoir faire éditorial de Carlotta Films, ne fut guère, lors de sa sortie en salle, plébiscitée. En effet, ni le public ni la presse n’accueillirent Police Fédérale Los Angeles avec intérêt au milieu des années 80. Il faut dire que le film ne pouvait, en ce temps-là, décemment s’attirer les faveurs de bien grand monde si ce n’est quelques individus épars. Plusieurs raisons à cela. Avant d’en énoncer quelques-unes, notons que, paradoxalement, ce sont exactement ces mêmes raisons qui font aujourd’hui le prix de cette édition Carlotta Films de Police Fédérale Los Angeles car le film est représentatif des bouleversements vécus par le cinéma dans les années 80. D’abord, Friedkin, venu du documentaire, passe pour un habile technicien, efficace et sérieux mais ce sont là les seules qualités sur lesquelles tout le monde s’accorde. Il souffre d’une comparaison, certes réductrice et hasardeuse, avec les maîtres du passé mais également avec ceux du Nouvel Hollywood. Ce qui n'a pas contribué à crédibiliser ce qui est à l’œuvre dans Police Fédérale Los Angeles.
Dans un second temps, Police Fédérale Los Angeles n’est pas très bien considéré, doux euphémisme, car il est archétypique des films qui abolissent les frontières entre les genres cinématographiques, les supports et les modes de diffusion de l’image animée. A ce titre, Police Fédérale Los Angeles emprunte à différentes formes d’expression qui s’affirment, s'affichent voire revendiquent une rupture avec ce que le cinéma a érigé en modèle représentatif pendant des décennies. Police Fédérale Los Angeles condense ce qui caractérise de nouvelles approches de l’image filmique. Il emprunte autant au documentaire qu’au film de genre, à la série TV qu’au vidéo clip voire à la pub. Mais, et cela ne fut pas réellement pris en compte par ses détracteurs, la disparition des frontières entre les formes d’expression les rend toutes réceptives des singularités des autres. Friedkin est donc, à l'instar d'un Michael Mann, l'un de ceux qui ont contribué à rendre la création cinématographique perméable aux autres expressions visuelles. C’est-à-dire que chez Friedkin, peu importe la nature de l’image, seul compte ce que celle-ci apporte au film et comment elle coïncide avec les intentions de l'auteur. Ce pragmatisme créatif se vérifie ne serait-ce qu’au niveau de l’équipe technique. On y trouve aussi bien Robby Muller qui vient de prouver l’étendue de son talent avec Paris, Texas de Wim Wenders que Buddy Joe Hooker qui coordonnera les cascades du film et qui vient de travailler sur L’étoffe des héros ou encore Scarface. Autrement dit, Friedkin sait ce qu’il veut. Ses choix ne sont pas dictés par une production aléatoire mais par la minutie. D’ailleurs, esthétiquement dans ses scènes intimistes ou d’actions, le film est remarquable, ce qui est plutôt rare. Pas de hasard mais de la cohérence.
Revenons aux origines de Friedkin, en l'occurrence son travail documentaire. Cet aspect de sa mise en scène lui permit d’être étudié avec attention lors de la sortie de French Connection qui, dans son souci de vraisemblance permanent, exerçait sur le spectateur un pouvoir d'attraction qui ne se dément pas avec le temps. Mais dans Police Fédérale Los Angeles, le cinéaste ne se confine pas dans un style unique. Il navigue allègrement entre classicisme et post modernisme avec une dextérité confondante. Le film doit autant au voyage introspectif dans la psyché américaine du Film Noir qu’à ces films criminels dénués de lyrisme qui observaient la fonction du policier de manière quasi documentaire. Le film affiche autant de profondeur existentialiste en insistant sur la solitude de l’individu face à la société qu’il semble ancré dans la superficialité du vidéo clip. Déroutant.
Sans oublier que Police Fédérale Los Angeles intègre au mode opératoire du cinéma un découpage et un format de montage emprunté à la série TV. On songe inévitablement dans l’usage de la musique, dans la durée et dans les principes d’interpolation de plans à Miami Vice. Aujourd’hui, Police Fédérale Los Angeles, dans cette magnifique copie proposée par Carlotta Films apparait rétrospectivement comme un marqueur temporel, un repère historique (il n'est pas le seul) qui permet de pointer le moment où le cinéma, après avoir tant donné aux autres formes d’expressions visuelles, acceptera, pour s’enrichir, de se laisser pénétrer par d’autres logiques, d’autres langages. Police Fédérale Los Angeles apporte la preuve, s’il en était encore besoin aujourd’hui, qu’une forme, qu’un langage à qui quelques Cassandre prédisaient mort certaine, a su résister aux affres du temps, se renouveler et surmonter tous les défis techniques et syntaxiques pour exercer encore aujourd’hui un pouvoir de fascination qui ne s’est jamais démenti. Que Police Fédérale Los Angeles permette de vérifier cette mutation ou cette adaptabilité, le place irrémédiablement dans la catégorie des films incontournables.
Pour ce qui est de la copie proposée par Carlotta Films, au risque de nous répéter, sur support Blu-ray, elle est superbe.
Du côté des compléments, tous dignes d'intérêt. Pour leur rareté ou leur originalité, nous souhaiterions en mentionner deux. A contresens est un bonus qui laisse Buddy Joe Hooker, coordinateur des cascades du film, s'exprimer sur son approche du métier ou du film. Surtout, il lui est donné ici l'occasion de nous expliciter, schéma à l'appui, comment il a réglé les cascades de la poursuite du film. Passionnant.
Autre complément intéressant, Un monde de contrefaçons : le making of du film. Nous sommes loin du simple outil promotionnel qui rime de nos jours avec ce type d'entreprise. C'est construit, pensé et comme les enjeux de ce module sont indirects, les différents interlocuteurs témoignent avec une certaine sincérité.
Nous trouvons également au niveau éditorial de Police Fédérale Los Angeles un travail écrit qui rejoint intentionnellement celui qui accompagne le Coffret Hitchcock-Les années Selznick. Charge fut confiée une nouvelle fois aux rédacteurs d'une revue papier, La Septième Obsession, de rédiger des textes réunis sous la forme d'un livre. Là encore, l'approche critique du travail de Friedkin est privilégiée par la ligne éditoriale. A l'évidence, la subjectivité du lecteur agira de sorte que tous les textes ne passionneront pas tout le monde. Mais il faut louer le travail de La Septième Obsession car tous les textes témoignent du soin particulier porté au style et à la fluidité d'écriture et affichent pertinence. Chapeau.
Crédit photographique : TO LIVE AND DIE IN L.A. © 1985 METRO-GOLDWYN-MAYER STUDIOS INC. Tous droits réservés.
SUPPLÉMENTS (EN HD)*
. COMMENTAIRE AUDIO DE WILLIAM FRIEDKIN
. UN MONDE DE CONTREFAÇONS : LE MAKING-OF DE "POLICE FÉDÉRALE, LOS ANGELES" (30 mn)
Entretiens avec le réalisateur et les acteurs illustrés d’archives du tournage.
. TENTER SA CHANCE (21 mn)
Souvenirs du casting et du tournage de Police fédérale, Los Angeles par William Petersen.
. LE RENOUVEAU DE LA FEMME À LOS ANGELES (15 mn)
Comment Debra Feuer a obtenu son rôle après que William Friedkin l’a repérée au théâtre.
. DOCTEUR D’UN JOUR(9 mn)
Retour sur la première expérience d’acteur de Dwier Brown dans un long-métrage majeur.
. TOTALEMENT EN PHASE (13 mn)
Un entretien avec Jack Hues et Nick Feldman du groupe Wang Chung.
. À CONTRESENS (36 mn)
Buddy Joe Hooker explique son travail de responsable des cascades.
. SCÈNE COUPÉE (4 mn) . FIN ALTERNATIVE (9 mn) . SPOT RADIO
. BANDES-ANNONCES
* en HD sur la version Blu-ray Disc™
LE LIVRE DE 160 PAGES (INCLUS + 40 PHOTOS D'ARCHIVES)
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