Splitscreen-review Image de Star Wars VIII de Rian Johnson

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Star Wars, épisode VIII : Les Derniers Jedi

Publié par - 18 décembre 2017

Catégorie(s): Cinéma, Critiques

C’est à présent chaque année que l’univers Star Wars propose un nouvel opus avec pour ambition d'inscrire la franchise dans une sorte de mythologie. Après Le Réveil de la Force en 2015 et Rogue One en 2016 vient de sortir Star Wars Episode VIII : Les Derniers Jedi, réalisé par Rian Johnson.

Un nouvel épisode qui, par bien des aspects, reste très inspiré des trilogies précédentes (notamment L’Empire Contre-attaque). Sa structure narrative se scinde selon deux axes qui contribuent à fragmenter le récit. Le premier concentre son propos sur la fuite de l’armée de la résistance poursuivie par la flotte du Premier Ordre tandis que le second s’articule autour de l’apprentissage des personnages sensibles à la Force. Principe nouveau dans la saga puisque l’épisode précédent, par exemple, était plus linéaire et uniforme.

Contrairement aux trilogies précédentes, on notera que le temps qui sépare les épisodes est proportionnel à l’espacement entre les films. Peu de temps s’est écoulé depuis le Réveil de la Force, donc peu d’éclaircissements à apporter sur le contexte de la période qui les a séparés. Nous sommes rapidement plongés dans la bataille qui se perpétue tout au long du film, lutte qui ne sera ponctuée que par les scènes sur la planète océanique Ahch-To sur laquelle se poursuit l’interaction de Rey et Luke, au moment où nous les avions laissés il y a deux ans. Le septième épisode était une manière de poser de nouvelles bases en conservant une narration proche d’Un Nouvel Espoir. Maintenant que les fondations sont établies, nous entrons plus en profondeur dans les mystères de la Force.

Car en effet le combat est plutôt « canonique » dans son ensemble.  Tandis que stratégie et philosophie de guerre se discutent entre Leia, l’amiral second Holdo (appréciable interprétation de Laura Dern) et un Poe Dameron qui était resté en second plan jusqu’alors,  Finn, BB8 et le nouveau personnage de Rose, partent en mission spéciale pour faire pencher la balance contre le Premier Ordre. On les retrouve dans un univers de casino, un Monte Carlo galactique dont l’élégance souligne l'artificialité d’une infrastructure discutable. Mais le pari que prend Johnson tient surtout dans le traitement réservé au rapport entre Rey et Luke. Ce dernier resté en ermite sur une île pendant des années semble prendre des airs de nouveau Yoda pour Rey, mais cela reste en surface. En exposant la vacuité et l’arrogance de l’Ordre Jedi d’antan, Luke ne souhaite pas commettre de nouvelles erreurs comme Kylo Ren, et éloigner Rey de cette voie dangereuse. Il préfère chercher à comprendre ce qu'est la Force, quelque chose qui n’est pas qu’une voie propre aux Jedi.

C’est sur ce point précis que ce nouvel épisode se singularise. La Force est omniprésente, mentionnée dans chaque film, mais elle reste complexe à définir. Elle faisait disparaitre des Jedi pour les faire réapparaitre comme Tupac en concert, elle pouvait soulever des objets et produire des éclairs dans la période naïve de la dite « Prélogie »… Bref elle faisait partie du "spectacle", elle permettait la mise en place de beaucoup d’effets spéciaux qui assuraient la pérennité du divertissement. Mais jamais le traitement visuel de cette présence ne donnait accès à l'aspect spirituel du concept. Johnson nous propose d’avantage de manifestations de la l'influence de la Force par la mise en scène, par la suggestion. Le montage, les champ-contrechamp, les plans de coupe et la rareté de sa présence (comparativement aux épisodes I, II et III), lui confèrent plus de subtilité dans sa représentation comme dans sa substance. Elle reprend sa forme transcendantale, quelque chose qui parfois échappe à l’entendement des êtres, même des Jedi.

La Force se retrouve aussi dans l’ambivalence des personnages. Plus de manichéisme entre protagonistes et antagonistes, ceci est laissé aux personnages secondaires (Snoke, Leia, Hux, Maz). Nous explorons plus profondément les combats intérieurs des antagonistes Rey, Kylo Ren et leur dénominateur commun : Luke. Tous partagent plus de cette ambivalence, qui était présente autrefois chez Anakin Skywalker. A ce titre, leur conception du Bien et du Mal est plus nuancée que ce que l’on pourrait imaginer. Par cette insertion du doute, chacun incarne un avenir incertain, dont les liens se croisent au-delà des personnages originaux. Procédé initié dans l’épisode VII avec Han Solo ; on s'éloigne de ce qui tourne autour de Skywalker & Cie pour se concentrer d’avantage sur les nouveaux venus. Une prise de risque vis à vis de plusieurs générations de fans qui étaient habitués à cette dynastie.

Deux choses restent cependant regrettables au niveau scénaristique.  Tout d'abord la multiplication de personnages secondaires qui nuit à une potentielle empathie envers les principales figures du film. Certains sont intéressants, d'autre beaucoup moins, mais aucun n'est exploité véritablement. Ce qui est préjudiciable à la potentielle profondeur de chacun de ces seconds rôles qui, sans être être explorée, les réduit à n'être que de simples mailles du canevas. On relèvera un second point négatif, l'humour. L'humour et Star Wars vont souvent de paire, mais cela ne fonctionnait qu'avec un comique modéré et une justesse rythmique. Dans Les Derniers Jedi, parfois c'est juste, parfois c'est trop, parfois c'est inapproprié.

Les Derniers Jedi, se distingue donc par cette prise de distance avec les trilogies précédentes dans sa forme comme dans son récit. Le film conserve bien entendu des liens référentiels avec ce qui lui préexiste, mais ils ont un rôle minime quant à ce qui se prolonge ou se perpétue. Seule la Force, comme un fil rouge, traverse tous ces temps filmiques. Se calquer sur les modèles de ce qui a précédé ne serait qu’un « fan service » aux relents nostalgiques, mais quand il est question de prise de risque, reste à savoir lequel prendre.

Finalement, cette nouvelle trilogie Star Wars semblent être à la fois représentative de ses origines. A force d'être sensible aux revendications des fans d'une part, et des lobbies sociaux de l'autre, on essaye une chose, puis son opposé, sans vraiment savoir où se trouve vraiment la finalité de la réalisation. Là est le problème d'une franchise, conserver une forme de cohérence entre chaque épisode et entre chaque génération de spectateurs.

Crédit photographique : © 2017 Lucasfilm Ltd. All Rights Reserved.

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