Splitscreen-review Image de Mary et la fleur de la sorcière de Hiromasa Yonebayashi

Accueil > Cinéma > Mary et la Fleur de la Sorcière

Mary et la Fleur de la Sorcière

Publié par - 27 février 2018

Catégorie(s): Cinéma, Critiques

Mary, 11 ans, vient de déménager à Redmanor chez sa grande tante Charlotte. En se promenant dans la forêt, elle découvre « la fleur de la sorcière » qui ne pousse que tous les 7 ans et qui lui permet, pour une nuit, de posséder des pouvoirs magiques et d'accéder à l'école de magie Endor.

Britanime

Lorsque Hiromasa Yonebayashi devient, à 36 ans, le plus jeune réalisateur du prestigieux Studio Ghibli en signant l’excellent Arietty, beaucoup voient en lui la relève du maître Hayao Miyasaki. Nous sommes en 2010, le film est un succès et le jeune metteur en scène se verra confier, quatre ans plus tard, la direction du sous-estimé Souvenirs de Marnie. Une œuvre qui eut le lourd privilège d'être l’ultime production du studio, avant que Miyazaki ne sorte une quatrième fois de sa retraite (How Do You Live ? est attendu pour 2021). Ghibli en sommeil jusqu'à cette sortie, c’est aux commandes de sa propre entité, le Studio Ponoc, que Yonebayashi propose sa nouvelle animation : Mary et la Fleur de la Sorcière. Ponoc tire son essence du mot croate "ponoć", qui signifie « le début d’un jour nouveau ».

En entrant dans la salle, le spectateur averti peut se demander où le curseur se situera avec ce nouveau studio (cofondé par un autre producteur venu de Ghibli, Yoshiaki Nishimura). S'oriente-t-on vers une continuité des thèmes des créateurs de Totoro ou vers une identité propre ? Une première réponse se trouve dans l’origine même du projet, puisqu'il s'agit d'une adaptation de littérature enfantine et non un scénario original comme c’était souvent le cas chez son ancien employeur. Une adaptation assez fidèle d’ailleurs de The Little Broomstick de Mary Stewart où une jeune fille s’ennuyant à la campagne va découvrir une fleur magique lui ouvrant les portes d’une Académie de Sorcières. Ainsi, autant le scénario puise dans une matière préexistante, autant le film puise cinématographiquement dans l’univers de Ghibli.

Car Mary et la Fleur de la Sorcière est avant tout un conte initiatique assimilé à une fable écologique, comme ont pu l’être Le Château Ambulant, Ponyo sur la Falaise ou Le Voyage de Chihiro en leur temps. Le style d’animation et la caractérisation des personnages, très proches également des films cités, finissent de donner cette impression de lien entre Ponoc et Ghibli. Mais que l’on ne s’y trompe pas, Yonebayashi fut partie intégrante du studio à partir de 1997 et il est somme toute logique que cet ADN soit aussi présent dans son œuvre actuelle. Loin d’y voir une simple copie, il est préférable d'évoquer une continuité spirituelle, dans laquelle il faut désormais instiller une touche originale pour considérer Ponoc comme un studio à part entière. Discrète mais belle et bien présente, cette dernière nous permet d'entrevoir l’ébauche d’un futur grand de l’animation.

À ce titre, Mary et la Fleur de la Sorcière ressemble d'avantage à Arietty qu’à Souvenirs de Marnie. Autrement dit, son univers est plus proche de son auteur que du fil rouge de son studio. Tout comme Arietty, Mary évolue dans un monde occidental fantasmé et passé par le prisme japonais ; une ambiance que chérit particulièrement le metteur en scène. Si Kiki la Petite Sorcière s'implantait dans un décor similaire, Yonebayashi lui donne une âme supplémentaire à l’aide d’une direction artistique plus proche de Shôkôjo Sêra (Princesse Sarah) et, surtout, d'une composition musicale inspirée du folklore occidental. Cette ambiance de campagne victorienne donne au film un charmant côté « britanime » qui séduit et le rend pour le coup identifiable au premier regard. Au-delà de la beauté liée au mélange des univers, l’autre variante se trouve de manière plus évidente dans le côté totalement débridé des effets visuels.

C’est peut-être ce qui différencie le plus Yonebayashi de ses illustres maîtres. Le jeune cinéaste échange une part de leur poésie du temps lancinant et de l’ambiguïté du récit pour un style plus direct et plus flamboyant à l’image. La balance reste équilibrée, on ne passe pas du tout au tout, mais l’opulence d’une (magnifique) animation et une certaine simplification des actes scénaristiques laissent penser, en sortie de séance, que l’on n’a pas été autant touché émotionnellement que par le passé. Le plaisir de spectateur se trouve pourtant bien là, et il ne faudrait peut-être simplement pas autant comparer les deux studios à tout prix… Une démarche cependant obligatoire pour ce Mary et la Fleur de la Sorcière de transition, mais qui devrait s’effacer avec les prochaines productions Ponoc que l’on imagine grandioses et décomplexées.

Crédit photographique : Copyright Ponoc

Partager

à lire aussi