A Fuller life
Publié par Stéphane Charrière - 3 janvier 2018
Catégorie(s): Cinéma, Critiques, Sorties DVD/BR/Livres
A Fuller life est un documentaire réalisé par Samantha Fuller, fille de Samuel, qui, comme le nom l’indique, revient sur la vie romanesque du cinéaste. Euphémisme car en une vie, Fuller en a cumulé plusieurs : apprenti journaliste, reporter à 17 ans, scénariste, soldat, reporter de guerre et metteur en scène. Excusez du peu ! Vaste chantier donc que de couvrir en une heure et vingt minutes de film les différents aspects qui caractérisent l’homme et l’artiste qu’il est devenu. A Fuller life se structure autour d’une idée relativement simple et évidente : la lecture des mémoires de Samuel Fuller effectuée par différents interlocuteurs (amis, admirateurs, actrices et acteurs). Le principe aurait pu être redondant et laborieux s’il ne rejoignait pas des traits fondamentaux du cinéma de Fuller : le questionnement sur soi et l’acceptation des mutations identitaires qui en résultent.
A Fuller life témoigne d’une certaine adéquation entre son contenu, sa forme et certaines préoccupations thématiques chères au cinéma du metteur en scène. Indissociable d'un parcours artistique balisé par nombre d’épisodes professionnels ou intimes, sa filmographie s'est faite écho de ce qu’il a été et ne cesse de refléter ce que le cinéaste deviendra au fil du temps. Ainsi la multiplicité des intervenants constitue une sorte de chapitrage qui correspond peu ou prou aux étapes de la vie de l’homme et du cinéaste Samuel Fuller. Il convient d’insister sur ce point puisque le réalisateur que nous connaissons, s’il n’avait eu la vie qui nous est dépeinte dans ce documentaire, n'aurait jamais réalisé les œuvres que nous avons vues.
C’est que chez Fuller, le cinéma se nourrit de sa propre vie. Ce qui sous-tend que l’expérimentation volontaire, ou non, de toute situation vécue par ses personnages enclenche une transformation de l’individu. Ses films font alors l’apologie de caractères qui risquent leur vie au sens littéral et imagé du terme. Ses univers sont peuplés de figures qui interrogent leur propre existence dans leur extrême profondeur, quitte à tout perdre, pour tenter d’influer sur leur destiné afin de s’inscrire sur une trajectoire qui dévie de ce que le sort leur avait réservé.
Le principe adopté par Samantha Fuller pour ce documentaire répond d’une certaine manière à cette logique. Le procédé permet, puisqu’il s’agit de lectures, l’insertion d’images illustratives tournées par Samuel Fuller lui-même. Ces images appartiennent autant au champ fictionnel (The big Red One, Shock Corridor, The naked kiss, Le Port de la drogue) qu’au champ documentaire (images d’archives tournées pendant la seconde guerre mondiale).
On appréciera le filmage qui consiste à mettre au service du propos et de la découverte de quelques aspects de la vie de Fuller les intervenants et la mise en scène elle-même. L’artifice technique, très présent au début, disparaît au fil des mots et des images. Saluons ici l’humilité de tous les participants qui ont su s’effacer derrière le contenu des mémoires lues sans jamais trop chercher à les interpréter. Ainsi ces dernières prennent plus de relief ou d’importance par l’éclairage apporté par les archives ou les extraits savamment choisis pour l’occasion. A Fuller life a le grand mérite d’avoir su adapter son mode de récit à celui d’une œuvre plus complexe qu’il n’y paraît non sans rappeler que l’homme Fuller, qu’il soit journaliste, soldat ou cinéaste, a toujours été l’objet des forces collectives et historiques qui l'entouraient.
L’image observée sur la version Blu-ray du film est absolument remarquable. Elle restitue aussi bien ce qui a été filmé pour les besoins de ce film que tout ce qui relève de l’archive ou du prélèvement d’extraits. Encore une fois, Carlotta Films fait le travail.
Un seul complément disponible pour accompagner A Fuller life. Mais non des moindres. Il s’agit du pilote d’une série fictionnelle intitulée Dog Face consacrée à la seconde guerre mondiale réalisé par Fuller lui-même. On y retrouve la crudité caractéristique du cinéaste et sa manière de confronter sans ambivalence l'humain à la violence, la vie, la mort.
Crédit photo : A FULLER LIFE © 2013 CHRISAM FILMS, INC. Tous droits réservés.
Rétrospective Samuel Fuller
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Du 3 janvier au 15 février 2018